Les personnages politiques qui contribuent à la déliquescence sociale des lieux de vie par les privilèges accordés aux plus riches, ont toujours feint la lutte contre ce qu’ils s’employaient à créer : l’insécurité, pourfendant constamment par leurs mesures politiques iniques les valeurs de convivialité, le bien-être de tous et l’égalité. Dès lors qu’un incident survient, monté en boucle par les médias, ils instrumentalisent donc le fait pour promouvoir leur politique populiste. Ils instillent la peur dont on ne connaît pas trop l’objet et promettent, une fois le sentiment installé, de remédier au problème par l’augmentation des effectifs de police.
Bien qu’on ne donne que rarement un visage précis de la criminalité, on pressent souvent, au-delà des mots, de qui ils nous parlent : « nous devons rester vigilants quant à l’évolution de ce phénomène d’autant plus que « le diagnostic local de sécurité » rédigé par des experts de la criminalité précise qu’à Watermael-Boitsfort, « la ville entre dans le village ». Pénétration floue, volontairement ambiguë, qui ne dit rient et dit tout, suggère le danger, le faible face au fort – le village opposé à la ville –, le constat étant d’autant plus pertinent qu’il est l’œuvre d’« experts ». A l’écoute des propos récents de Didier Reynders ((Montant à la tribune pour aborder une question à l’ordre du jour, Didier Reynders fut interpellé par Philippe Moureaux, bourgmestre de Molenbeek, au sujet des propos qu’il avait tenu sur La Première le matin même, comparant les routes belges aux routes afghanes. La réponse ne se fit pas attendre : « J’aurais pu aller à Molenbeek, c’aurait été plus près, c’était plus court pour me déplacer à l’étranger »)), ancien président d’un parti qui il y a peu encore, formait unité avec le FDF, on peut penser que Molenbeek entre dans Boitsfort… la peur des Arabes, toujours, c’est porteur politiquement. Et d’ajouter, pour faciliter la représentation géographique du danger et tous les stéréotypes que cela charrie : « en effet, les transports en commun se multiplient et favorisent la mobilité des populations à travers toutes les communes bruxelloises » ((L’Officiel, périodique communal, mai 2012)).
… « La mobilité des populations »… la bourgmestre de Watermael-Boitsfort, émanation d’un parti – le FDF – qui n’est pas sans éloge pour la mondialisation et la libéralisation des échanges, a une vision de la mobilité qui s’arrête à certains… groupes sociaux. On retrouve tout le discours de la folie sécuritaire appelant des mesures de protection et de contention des « populations à risque » qui pourraient arriver jusqu’aux « frontières » de la commune. Ces ectoplasmes politiques comme Martine Payfa présentent constamment ces solutions – qui n’en sont pas – dont l’absence d’intentions politiques empêcheraient toujours la mise en œuvre : « la lenteur du suivi judiciaire et le manque de places dans les institutions fermées découragent les efforts des policiers et encouragent le sentiment d’impunité chez ceux qui commettent les délits ». Allez, on les construit ces prisons!
Silence sur l’ineptie du grand enfermement et l’école du crime qu’est la prison actuelle; sur la misère sociale, organisée, qui génère la délinquance; sur les bavures récurrentes de ceux censés « nous protéger ». Pas un mot sur la précarisation progressive du « peuple »; les bac + 5 à 1.200 euros; le chômage de masse que leur politique de croissance favorise.
Pas un mot non plus sur la multiplication des voitures individuelles qui génèrent une insécurité permanente dans le village, la ville, colonisant tous les espaces et, progressivement, ceux qui ne lui étaient pas dévolus, pourrissant l’air que nous respirons, générant la crainte constante de l’accident.
Non, point de mots là-dessus, car on n’attaque pas des mythes, surtout lorsqu’ils nous servent.
A.P