Les esprits s’échauffent dans les arcanes du sommet européen. Pour Leterme, il faut une solution « ce soir ou cette nuit, en tout cas avant l’ouverture des marchés demain, c’est primordial que ça réussisse ». Après cela, plus besoin de démonstrations alambiquées pour montrer à qui obéissent « nos » dirigeants ». Si d’aucuns doutaient encore, le cynisme éhonté d’un trader non repenti nous « rassure » définitivement: « ce ne sont pas les gouvernements qui dirigent le monde mais Goldman Sachs ((http://lexpansion.lexpress.fr/entreprise/ce-trader-qui-reve-de-krach-et-de-recession_263088.html)). La franchise violente de l’homotrader, rare dans ce milieu de bonimenteurs et de leurs acolytes politiques, offre comme un air revigorant, mais vicié, délestant le pourfendeur des faux-semblants des habituels serviteurs politiques de la finance des batteries d’arguments dont il doit généralement faire preuve pour les acculer à la vérité : celle que le bien-être et l’égalité ne les concernent pas et qu’ils se battent au pire pour étendre l’inéquité, au mieux pour atténuer ces effets – ce qui n’est qu’au fond la même chose.
Si l’on garde cette dernière vérité en tête, leur solution d’urgence sonne faux, d’autant plus lorsqu’elles ne sont que l’éternel antienne qu’ils nous chantent depuis toujours : « Nous sommes à un moment crucial : il faut aujourd’hui à la fois renforcer l’Europe dans un monde qui change très fortement et subit une crise financière depuis plusieurs années, et préserver le pouvoir d’achat des citoyens, la relance de l’activité et la maîtrise de notre budget », nous dit Didier Reynders sur son blog ((Vu sur le site du Soir)). Eloge de la clarté : pouvoir d’achat, relance, maîtrise budgétaire. Les mêmes solutions culinaires dans un contexte où le plat commence sérieusement à sentir le calciné ; et soigner le mal par le mal : soigner l’Europe libérale par… plus d’Europe libérale !
Douteuses aussi leurs déclarations lorsqu’on connaît mieux les copains de ce petit monde. L’Association pour l’Union Monétaire Européenne, fondée en 1987, comptant 30 sociétés fondatrices représentant les plus grosses sociétés multinationales, fervente défenseuse de la monnaie unique, était heureuse de compter parmi ses membres, le 30 octobre 2001 lors d’une conférence intitulée : « L’Euro : comment assurer son succès à long terme ((Geuens Geoffrey, Tous pouvoirs confondus, Editions EPO, 2003, p. 118)) ? », Didier Reynders… Il ne faudrait donc pas déplaire à son richissime ami Etienne Davignon, instigateur de la monnaie européenne. La chute de l’Europe telle qu’elle est, c’est d’abord lui et ses copains qui le paieraient.
Et puis, il ne faudrait pas oublier ses propres intérêts : « Didier Reynders a été Président de la SEFB Bank, administrateur de Carmeuse Coordination Center, de la CIWLT-Compagnie Internationale des Wagons Lits, d’Uhoda International et d’Invest Services ((Ibid., p. 227)) ».
Si nous pensons que les protagonistes du « sauvetage » sont tous peu ou prou les mêmes, soyons-sûrs que nous ne sommes pas prêts avec eux, de sortir de l’auberge… grecque, ou tout au plus pour entrer dans celles espagnole et italienne.
A.P